Joël Busson lors de son discours dans un des anciens dortoirs du Camp A ses côtés, Odelinda Gutierrez, Réfugiée Espagnole de 1939 Allocution de Joél BUSSON, Président du Comité départemental du souvenir des fusillés de Châteaubriant et Nantes et de la Résistance en Loire Inférieure. A Moisdon la Rivière - 13 avril 2008 (site du Camp de La Forge). Monsieur Le Maire de Moisdon-La-Rivière, Madame La Conseillère Régionale, Messieurs Les Conseillers Généraux, Monsieur Le Maire Honoraire du Grand-Auverné, Messieurs les Maires, Mesdames, Messieurs les Elu(e)s, Monseigneur Georges Soubrier, Evêque de Nantes, Mme Odelinda Gutierrez, ancienne internée du camp de Moisdon, Mesdames, Messieurs, les anciens internés de Choisel et Moisdon, Mesdames, Messieurs, les Présidents d’associations, Mesdames, Messieurs, Chers Amis. Je dois excuser Messieurs Michel Hunault, Député, et Alain Hunault, Président de la communauté de Communes du Castelbriantais, Madame Odette Nilès qui a dû renoncer pour raison de santé à ce déplacement et est représentée par Mme Méchaussie. Notre présence en ce lieu est symbolique. Nous sommes réunis par-delà nos opinions, convictions, religieuses, philosophiques, politiques dans le respect de tous, pour nous souvenir d’une sombre page de l’histoire de notre pays.
Pluraliste, notre réunion ne peut cependant être neutre, puisque que nous entendons transmettre, pour ce qui nous concerne, les Valeurs Républicaines qui constituèrent les orientations novatrices et démocratiques du programme du Conseil National de la Résistance.
Mme Gutierrez, vous aviez 8 ou 9 ans, lorsque vous vous êtes retrouvée ici à la forge. C’est à vous et à toutes les familles Espagnoles Républicaines qui ont séjourné dans les camps que nous voulons rendre hommage.
Avec vous « les Vieux », appelés ainsi dans le monde du voyage, ce sont toutes vos familles qui ont également été internées par la suite en ce lieu, et à Choisel, que nous entendons honorer. Dans, un mois exactement, il y aura 66 ans que le sinistre camp de la Forge fermait. Pour autant ses internés devaient encore subir de longues années de détention.
Le poète nous avertit, « si l’écho de leurs voix s’éteint, nous périrons ». Nous sommes rassemblés aujourd’hui, précisément pour que ne s’éteigne pas la mémoire si fragile des internés des camps de La Forge, mais aussi ceux de Juigné les Moutiers, de Choisel, et de tous ces camps ouverts dés 1940 par l’Etat français qui promulgua des lois antirépublicaines, racistes et xénophobes, qui lui permirent d’interner sans jugement, d’arrêter des étrangers réfugiés en France, des opposants politiques, des syndicalistes, des Français que nous regroupons sous le vocable Gens du voyage, même si certaines familles étaient sédentarisées, puis les juifs, les patriotes, avant de les livrer aux nazis.
Il était grand temps de rappeler aux nouvelles générations ce qui à existé ici, comme à Mulsanne ou Montreuil-Bellay et hélas dans des centaines de lieux semblables dans l’ouest du Pays.
Contrairement, à ce que certains pourraient penser, le rôle de nos associations ne s’atténue pas avec les années. Le travail sur l’histoire et la mémoire est d’actualité, a l’instar de ceux réalisés par François Macé sur les « Camps de Châteaubriant » et d’Emilie Jouand, sur le camp de la Forge. Il et Elle méritent félicitations, reconnaissances, et remerciements.
Pour notre part, nous oeuvrons à la transmission de la mémoire de celles et de ceux qui résistèrent, et de celles et ceux qui furent les victimes de CE fascisme français.
Nous commémorons, en organisant la participation de dizaines, de centaines, voire comme en octobre 2007, de milliers de personnes à Châteaubriant. Le contenu de ces rassemblements porte des valeurs républicaines et démocratiques qui nous sont chères.
« Si l’écho de leurs voix s’éteint, nous périrons ». L’actualité nous apporte, hélas, régulièrement des exemples, de privations de liberté, d’exactions, d’oppressions, de massacres, de crimes racistes, fruits de l’intolérance, du racisme, de la xénophobie, de la négation de la démocratie, de la domination de la loi de l’argent sur les principes d’égalité, de fraternité et de liberté.
Nous commémorons, car il nous paraît nécessaire que soient tirés les enseignements susceptibles d’éclairer l’avenir. Les nouvelles générations doivent avoir conscience de la valeur primordiale des principes que les nazis et leurs complices ont foulés au pied.
Affligeant, intolérable de voir qu’AUJOURD’HUI des manifestations néo-nazies se perpétuent. Trois parachutistes de Montauban qui exhibent un drapeau nazi et le plus odieux c’est le militaire qui a révélé ses agissements qui a été sanctionné. Révoltant et abject la profanation des 148 tombes du carré musulman du cimetière militaire de Notre-Dame-de-Lorette, près d’Arras.
Préoccupantes, inquiétantes, les discriminations à l’encontre des Voyageurs, population qui comme le souligne la LDH est souvent stigmatisée au prétexte qu’elle a un mode de vie itinérant.
Notre République, les pouvoirs publics, nos institutions, les citoyens se doivent d’être vigilants. Pour ces raisons, nous sommes des militants de la mémoire.
Des événements récents montrent que l’on cherche à remodeler l’histoire de la seconde guerre mondiale en brouillant les cartes, en occultant ce qui fâche, en renversant les valeurs qui ont présidé à la création de l’ONU. Ainsi, le contenu du deuxième tome du « manuel d’histoire franco-allemand » confirme nos craintes. Loin de corriger les orientations du premier, il les renforce, Il escamote La Résistance et présente bourreaux et victimes, militaires et civils, sous l’angle de la souffrance commune : Dresde, Hiroshima = Guernica, Varsovie, Auschwitz. Tous victimes de la guerre, il faudrait les honorer dans une « mémoire partagée » SS et Déportés, soldats de la Vehrmacht et enfants d’Oradour ou d’Ysieux, membres de la milice et Résistants.
Eh bien, non car la construction de la paix entre les peuples ne peut se faire en occultant la responsabilité du nazisme, de ses complices. Parce que les jeunes Allemands ne sont pas responsables des crimes de leurs aînés, que les Résistants luttaient contre l’Allemagne nazie et non contre le peuple allemand, la “réconciliation” n’a pour nous aucun sens. Mon père à survécu à Dora-Elrich grâce à la solidarité de ses camarades déportés allemands qui le soignèrent en prélevant sur le peu qu’ils avaient. Dès 1933, les camps avaient été ouverts par les nazis pour leurs opposants allemands. Parler de « réconcilier les mémoires » est dangereux pour l’avenir, c’est refuser de tirer les enseignements de l’Histoire et donc exposer les futures générations â de nouveaux périls.
Notre action met en garde contre les manipulations de l’Histoire, quand sous le signe de l’émotion et de la compassion focalisées sur les victimes, on limite l’attention. On instrumentalise la mémoire, celle d’un Guy Môquet, présenté comme s’étant sacrifié pour la Patrie en gommant son engagement, en occultant le rôle d’un régime qui l’avait arrêté, interné et livré puis désigné a ses bourreaux. Celle des enfants d’Auschwitz, envoyés à la mort par ceux qui choisirent « plutôt Hitler que le Front Populaire ».
Des cérémonies comme celles-ci, sont là non pour entretenir des ressentiments, mais pour rappeler la vérité historique.
Merci, Monsieur le Maire, d’accueillir cette manifestation du souvenir. Nos associations souhaitent qu’elle soit le départ d’une réflexion commune avec votre municipalité et les collectivités territoriales de la Région et du Département, pour qu’en ce lieu soit pérennisée la mémoire des enfants, des femmes et hommes qui y furent internés. Merci à tous pour votre écoute, votre patience et votre présence.
Joël Busson très ému, au souvenir de son Père
Date de création : 05/04/2009 @ 18:03
Dernière modification : 14/08/2011 @ 13:51
Catégorie : Textes & Discours
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