Article paru le lundi 16 juillet 2012 dans Ouest-France - Edition Châteaubriant-Ancenis.
André Saucisse et Amand Chatellier, devant la stèle installée en 2010Depuis cinq ans, deux Moisdonnais organisent des visites dans l'ancien camp d'internement de la Forge. Ensemble, ils se battent pour que cette « histoire » ne tombe pas aux oubliettes.
L'histoire
Les photographies accrochées aux murs de la Forge Neuve de Moisdon-la-Rivière témoignent du passé industriel. Le camp d'internement ? Aucune trace. Depuis 2008, Amand Chatellier et André Saucisse narrent, à qui veut l'entendre, l'histoire de ce camp méconnu.
« En 2008, un professeur d'histoire de Donges m'a demandé si je pouvais faire visiter le camp de la Forge à sa classe », raconte Amand Chatellier, conseiller municipal de la commune entre 1989 et 1995. Les élèvent étaient attentifs, se souvient-il. Et les questions fusaient :
« Pourquoi ne parle-t-on pas de ce camp ? »
De Moisdon à Mulsanne
En 1939, 875 républicains espagnols, fuyant le régime franquiste, furent internés sur le site. Au début de la seconde Guerre mondiale, 875 nomades connurent le même sort. Les conditions de vie étaient exécrables. Dans la forge bâtie de pierre, les Tziganes dormaient sur des paillasses, à même la terre battue.
« Durant l'hiver 1941, il faisait -15°. Les conditions d'hygiène étaient telles que le directeur du camp tenta de démissionner trois fois », explique André Saucisse, s'appuyant sur les recherches d'historiens.
« Des enfants n'ont pas survécu. »
Face à ce drame, les autorités allemandes décidèrent de transférer, momentanément, les Tziganes dans le camp de Choisel, à Châteaubriant. Le temps de réaménager la Forge.
Peu de temps après leurs retours à Moisdon, le camp ferme définitivement ses portes. En avril 1942, les pensionnaires sont alors transférés à Mulsanne, dans la Sarthe.
« C'est de l'histoire. Pas de la politique ! »
Aujourd'hui, peu se souviennent de ce camp. Les archives manquent.
« On aimerait qu'il y ait des survivants qui viennent témoigner », souffle Amand. Grâce au site internet qu'André a créé, des témoignages gagnent, parfois, la boîte mail. Comme celui de cette dame, qui après s'être recueillie sur le site, s'est brusquement souvenue de l'emplacement des sanitaires du camp. À cette époque, ils bordaient la rivière proche de la Forge.
« Ces personnes sont aujourd'hui âgées. Beaucoup ont décidé d'oublier », note André Saucisse, avec un goût de déception.
Les deux bénévoles se sont battus pour faire reconnaître le site d'internement.
« On a senti des réticences dans la commune », avouent-ils. Leur objectif a pourtant, d'après eux, toujours été clair :
« Des gens ont souffert ici. C'est quand même normal qu'on en parle », s'insurge Amand.
« C'est de l'histoire. Pas de la politique ! »
En 2010, une plaque commémorative a été installée. Discrète, elle rappelle, 60 ans après, l'existence du camp.
« On aurait aimé qu'elle soit à l'entrée. Ou même un nom de rue », regrette Amand Chatellier.
Jeudi 19 juillet et jeudi 23 août, à Moisdon-la-Rivière, visite commentée du camp d'internement de la Forge, à 15 h. Renseignements et inscription (gratuit) : 02 40 28 20 90.
Xavier PENNEC.