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Témoignages - Odelinda se rappelle
Odelinda

8 février 1939 : La guerre civile fait rage depuis près de 3 ans en Espagne. Depuis quelques jours la frontière française est ouverte au col du Perthus.
Nous avons marché, marché, se souvient Odelinda (née en 1931). Madame Ramona Diez Gonsalez, portant son unique valise sur la tête, tient la petite Amapola (9 mois) dans ses bras. A ses jupes s’accrochent Odelinda (7 ans à l’époque) et Paz (2 ans). Soudain Ramona hurle...
Je m’en souviendrai toujours, dit Odelinda. La bousculade avait emporté ma soeur.
Un soldat républicain espagnol, heureusement, la retrouve et aide la femme et ses trois filles à passer la frontière...

Après je ne me souviens plus très bien. Je sais que nous sommes arrivées à Châteaubriant avec d’autres Espagnols. Nous avons été très bien reçues. Nous avons été hébergées, au rez-de-chaussée, ou au sous-sol de la mairie. Puis nous avons rejoint les femmes, les enfants et les vieillards qui peuplaient déjà le camp de Moisdon...
Un campement de fortune est aménagé à La Forge Neuve à Moisdon, sur l'ancien site des forges industrielles, campement inadapté donc.
Etions-nous internés ? Oui, car je me souviens : il y avait des barbelés tout autour de notre campement et des gendarmes à la porte... Au fur et à mesure que des réfugiés espagnols arrivaient dans le camp des Forges, d'autres étaient emmenés par la police française pour être reconduits en Espagne. Nous avons échappé à cela car, dès la déclaration de guerre entre la France et l'Allemagne, mon père s'est engagé dans l'armée française.

En 1936, la famille Diez Gonsalez avait déjà quitté l'Espagne, les Asturies plus précisément. Une fuite face aux troupes de Franco pour, en passant par la France, rejoindre Barcelone et combattre dans l'armée républicaine espagnole. Lorsque la capitale de Catalogne tombe, la famille se réfugie en France. Le père est interné dans le sud, la mère, Odelinda et ses deux soeurs sont embarquées dans un train direction l'ouest de la France.
Odelinda raconte comment elle a retrouvé son père, pour une semaine seulement... Réfugiée en France, Ramona Diez ne savait pas où était son mari. Elle envoya cependant un courrier.
Notre lettre a trouvé mon père dans le midi de la France, dans un camp de réfugiés. Plus tard, quand la guerre fut déclarée, il s’est engagé dans l’armée française et est allé sur la ligne Maginot. Un jour il a obtenu une permission pour venir nous voir. C’est ainsi que nous l’avons embrassé une dernière fois. Ensuite il a été fait prisonnier et envoyé au camp de Mathausen, comme Républicain espagnol, où il est mort en décembre 1941. Il avait 37 ans.

Elle raconte ensuite comment sa mère et ses sœurs ont réussi à survivre tant bien que mal, aidées par des femmes de Châteaubriant.
Pourtant il me reste aussi des bons souvenirs de ce camp... Je n'étais qu'une enfant, alors sans doute ai-je oublié les autres... Je me souviens surtout des catalanes qui dansaient la Sardane...

La guerre terminée, Odelinda, ses deux soeurs et sa mère s'installent à Moisdon-la-Rivière puis à Châteaubriant. Elle raconte parfois comment, après la guerre, sa mère faisait des ménages ... et du savon qu’elle vendait dans toute la ville.
Par la suite Odelinda épousera José Gutierrez (dit Peppe), combattant républicain espagnol, interné en France et venu à Châteaubriant, après guerre, pour jouer ... au foot. Souvent ils viennent, en famille, pêcher sur les rives de l'étang de la Forge.
Nos premiers congés payés, huit jours à l'époque, nous les avons passés dans une petite maison au-dessus du site des Forges de Moisdon...
Odelinda devant les vestiges de l'Ancien Camp
Odelinda sur le site de l'Ancien Camp, le 13 avril 2008

Merci à nos amis de La Mée de nous avoir fait découvrir cette Dame, qui habite toujours Châteaubriant. Hélas, "Peppe" est décédé.
Dimanche 13 avril 2008, Nicolas, fils de l'auteur de ce site, a montré à Odelinda une voiture avec un autocollant de la Catalogne... Odelinda lui a rappelé qu'Elle était des Asturies...
Vous savez, j'ai été élevée dans l'amour de notre province. Nous ne devions pas trop fréquenter les catalans. Bah nous étions jeunes !
Eh oui, "Peppe" était catalan...

Nous espérons pouvoir filmer très bientôt cette Dame, qui voudra bien nous raconter ses souvenirs devant une caméra...

Date de création : 06/04/2009 @ 21:36
Dernière modification : 13/08/2011 @ 08:50
Catégorie : Témoignages
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Réaction n°2 

par CharlesFarreny le 27/04/2012 @ 11:50

Témoignage très intéressant sur la réalité des camps réservés aux Républicains espagnols. L'évocation par Odelinda de rapatriements forcés organisés par les autorités françaises de l'époque (auxquels sa famille a heureusement échappé) est un sujet assez largement ignoré jusqu'ici.Permettez-moi de vous signaler : après de nombreuses recherches, mon frère Henri et moi-même avons publié en 2010 une plaquette documentée intitulée : Repatriacions colectivas forzadas hacia la Espana franquista en 1939-1940
suite à une communication présentée lors d'un colloque au Museu de l'Exili à Figueras en Catalogne. Bien cordialement.Voir ici


Réaction n°1 

par Auframi_53 le 12/08/2010 @ 16:00

Réfugiés, déportés, assassinés, moi qui suis né au lendemain de la "dernière guerre mondiale", dans la région du débarquement en Normandie, j'en ai beaucoup entendu parler par le directeur de l'école primaire, qui était un ancien déporté.
Normalement, cela ne devrait plus exister, cela continue, Franco, Mussolini et Hitler sont morts , mais les idées pas encore. Il faut donc parler autour de soi de ces témoignages, ils peuvent peut-être faire entendre raison aux nouveaux dictateurs. Je suis un utopiste qui espère que le monde sera bon un jour.

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