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Un Rom, interné avec sa famille (Témoignages)

"Je ne sais pas exactement la date de notre arrestation par des gendarmes français. Nous étions trois voitures et nous nous trouvions en campagne en Bretagne. Ma grand-mère chinait de maison en maison du fil et des aiguilles. Les gendarmes nous indiquaient les routes que nous devions prendre, à cause de la guerre, qu'ils disaient. Il fallait marcher toute la journée. Nous étions avec d'autres voitures, des forains de fête qui ont perdu un bébé dans ce premier camp ; un nom un peuvoyageur-manouche. […]
Dans le camp, j'étais avec ma mère qui était très jeune ; elle avait environ 22 ans. Les filles se marient jeunes chez nous. Il y avait aussi mon petit frère, qui était toujours malade et qui était souvent soigné dans le bâtiment pour les bébés, et ma grand-mère, que nous appelions toujours "tante" : "Bibïo", en tsigane. C'est elle qui commandait toute la famille. Il y avait aussi des cousins, des oncles par alliance. Mon père, lui, n'a pas été pris, il était parti en éclaireur vers Nantes avec des hommes et deux tantes. Ils ont réussi à fuir vers l'Espagne, puis ont embarqué pour l'Amérique du Sud. Nous ne sommes retrouvés que dans les années 80.
Les gardos étaient assez méchants, nous n'avions pas besoin de misères supplémentaires. Il y avait de l'eau partout, avec la cour couverte de charbon qu'on était tout noir comme l'Afrique, du vieux charbon déjà brûlé.
Des hommes se sont sauvés de ce camp, des jeunes qui n'étaient pas mariés. Mais, pour nous, il y avait des petits enfants, et nous ne connaissions personne dans la région. Et ils disaient que si on s'enfuyait, ils tueraient les autres membres de la famille. Le soir, les gardos étaient ivres-morts et méchants..."

Témoignage recueilli par Jacques Sigot.


Ce Rom connaîtra aussi les Camps de Mulsanne et de Montreuil-Bellay...