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Elodie, petite-fille de réfugié espagnol (Et maintenant)

Elodie est la petite-fille de républicains espagnols réfugiés en France...

Avec la loi sur la mémoire historique, votée le 31 octobre 2007, Madrid offre aux descendants de réfugiés politiques exilés la possibilité d’adopter la nationalité espagnole et d’en faire bénéficier leurs enfants.
La guerre civile reste un sujet sensible en Espagne. Cette loi sur la mémoire historique a été très controversée en Espagne. Le Parti populaire (PP), principal parti de la droite espagnole, refuse de condamner le franquisme dont il est le grand héritier.
Un amendement apporté à cette loi prévoit la possibilité d’acquérir la nationalité espagnole pour les enfants et petits-enfants de républicains exilés...


Parmi les personnes concernées, Elodie, née en 1983. Elle travaille depuis 2005 en Espagne dans une association d’amitié franco-espagnole, "Dialogo", qui vise à faire coopérer Français et Espagnols dans les domaines économique, politique, culturel universitaire.

- Te sens-tu personnellement concernée par cette loi ?
Oui. J’habite en Espagne et pour des raisons pratiques, avoir la nationalité espagnole est une bonne chose pour moi. Mais même si je vivais en France, je l’aurais sans doute demandé par désir de me rapprocher de la culture de mes grands-parents. Je trouve que c’est un bon retournement de situation.

- Quelle est l’histoire de tes grands-parents ?
Mon grand-père paternel a fait la guerre civile avec les républicains, il était capitaine des carabiniers. A la fin de la guerre, il est passé en France. Il a été interné à Argelès-sur-mer dans un camp de réfugiés. Puis pendant la Seconde Guerre Mondiale, il a été envoyé en Allemagne pour faire son STO. Mais il s’est évadé et a erré en France. Il s’est finalement arrêté près de Bordeaux et a réussi à faire venir ma grand-mère, avec laquelle il était fiancé, 13 ans plus tard grâce à l’aide d’un curé espagnol de Bordeaux. Mes grands-parents ne sont jamais retournés en Espagne. Mon père est né en France en 1953 avec la nationalité espagnole. Puis il a été naturalisé français vers l’âge de 4-5 ans. Il a pu récupérer la nationalité espagnole grâce à une loi votée en 2002 par le gouvernement Aznar permettant à ceux qui ont perdu leur nationalité en émigrant de la retrouver. Mais il ne pouvait pas la transmettre. Ce qui va être possible avec la nouvelle loi.

- Ton père se sent-il français ou espagnol ? Dans quelle culture vous a-t-il élevés ?
Quand il y a un match de foot France-Espagne, mon père est à fond avec l’Espagne ! Mais je pense que fondamentalement il se sent français. Quand il était petit, il avait beaucoup d’amis qui étaient aussi des enfants de réfugiés espagnols. Ses parents l’ont élevé dans la culture espagnole. Mais il s’est marié avec une Française et il a fait sa vie en France. Par contre, même s’il ne parlait pas espagnol à la maison, il nous a toujours lu des comptines en espagnol à ma soeur et à moi. Il nous a beaucoup encouragé à apprendre la langue. D’ailleurs, ma soeur est prof d’espagnol et moi je travaille en Espagne !

- Justement, comment te sens-tu en Espagne ? Est-ce que la question de la nationalité est importante pour toi ?
Je me sens française en Espagne et espagnole en France… Il y a toujours quelque chose de l’un des deux pays qui me manque. En Espagne, même si je suis bilingue, je suis toujours considérée comme une étrangère et en France c’est moi qui me sens différente. Je suis très à l’aise avec les gens qui sont bilingues comme moi. Quant à la question de la nationalité, ce serait important pour moi d’avoir la nationalité espagnole, pour voter par exemple. Et bien sûr d’un point de vue symbolique ça voudrait dire beaucoup pour moi par rapport à mes grands-parents et à mon père. Mais je ne renoncerai jamais à la nationalité française. Elle fait partie de mon identité. C’est en France que j’ai grandi.

- Ton avenir, tu vas le construire en Espagne ?
Je pense rester en Espagne. J’ai fait des études de commerce bilingue et j’ai toujours eu envie de partir en Espagne. Finalement je suis restée par amour. Si je n’avais pas rencontré quelqu’un, je serais peut-être repartie en France. Mon travail à "Dialogo" me permet de travailler dans une atmosphère bilingue et d’être toujours en contact avec les deux cultures, ce qui me convient très bien. Mon rôle est d’entrer en contact avec des entreprises espagnoles et d’essayer de placer des étudiants français chez elles. Je suis heureuse de pouvoir faire partager mon amour de l’Espagne aux étudiants qui arrivent.

Interview réalisée en 2007.
La Loi sur la mémoire historique (Ley de la Memoria Histórica), officiellement appelée Loi pour que soient reconnus et étendus les droits et que soient établis des moyens en faveur de ceux qui ont souffert de persécution ou de violence durant la Guerre civile et la Dictature (Ley por la que se reconocen y amplían derechos y se establecen medidas en favor de quienes padecieron persecución o violencia durante la Guerra Civil y la Dictadura), est une loi espagnole, visant à reconnaître les victimes du franquisme. Initié par le président du gouvernement José Luis Rodríguez Zapatero, le projet de loi, très controversé de part et d'autre, a été approuvé en Conseil des ministres le 28 juillet 2006 et adopté par les députés du Congrès le 31 octobre 2007.
Elle inclut la reconnaissance de toutes les victimes de guerre civile espagnole (1936-1939) et de la dictature de Franco (1939-1975), l'ouverture des fosses communes (dans lesquelles se trouvent les restes des victimes) réalisées jusque-là, dans l'attente de subventions de l'État, artsar des associations artsrivées ou publiques locales (comme les Communautés autonomes), ou encore le retrait des symboles franquistes dans les espaces publics...