Du territoire français tiraillé de toutes parts, les Anglais vainqueurs à Crécy en 1346 ont la part du Lion et leur roi prétend à tout ce royaume. Cent ans durant des guerres épisodiques ravageront le pays... puis, forgées, ajustées de toutes pièces, soudées et cerclées, les BOMBARDES de fer feront parler la poudre ... "Froissart, livre II, page 188 : dit qu'il y avoit des bombardes de 50 pieds de long en 1382." (La Curne)..." & faisoit si grande noise au descliquer, qu'on entendoit le bruit des pierres qu'elle jettoit, de cinq lieuës durant le jour, & de dix lieuës pendant la nuit, & qu'il sembloit que tous les Diables fussent en chemin." (Furetière). Au Mont Saint Michel les deux bombardes à feu de poudre abandonnées par les anglais en 1434 font 3,500 m et 3,720 m de long et sont d'un calibre de 420 mm et 510 mm.
Les désastreux exploits guerriers nous sont mieux connus que les persévérentes inventions de ceux qui, d'une frontière à l'autre, nous apportent les progrès techniques de ces guerres : "Le mépris qu'on a pour les Arts méchaniques semble avoir influé jusqu'à un certain point sur les inventeurs mêmes. Les noms de ces bienfaiteurs du genre humain sont presque tous inconnus, tandis que l'histoire de ses destructeurs, c'est-à-dire des conquérans, n'est ignorée de personne" (préliminaire Encyclo)*; écrira-t-on l'histoire du travail, de la productivité et de l'invention des gens ?
Dès le 14ème siècle* des fourneaux activés par soufflets mus par ROUES HYDRAULIQUES apparaissent en pays liègeois. Existants aussi en Allemagne ou en France nord-est, ces fourneaux plus grands, plus ardents, plus efficaces, produisent un "fer gâté"*, raide et cassant, fragile, surchargé de carbone et d'impuretés, qui s'écoule en FONTE moulée en gueuses à la base du fourneau appelé aussi ferrière ou renardière : il faut apprendre à affiner* cette fonte pour retrouver le fer forgeable, "ployant et tenace": procédé indirect.
Le haut-fourneau :
Au 15ème siècle le fourneau se complète alors d'une forge hydraulique d'AFFINERIE pour la refonte décarburante des gueuses, puis martelage de formation du fer (méthode wallone)*. La conjugaison du grand fourneau et de la forge hydraulique conduit au principe du HAUT-FOURNEAU à cuve, largement ouvert en haut par un gueulard. Ce haut-fourneau est toujours le principe de production de la fonte, mais il est beaucoup plus grand et perfectionné de nos jours. Le fonctionnement continu du haut-fourneau, alimenté jours et nuits en combustible, minerai et fondant par son gueulard permet par un débouché en bas, des COULEES intermittentes de plusieurs centaines de kg de fonte de moulage : de nouveaux produits de moulerie ou de FONDERIE* sont créés : cuves, chaudrons, foyers, tuyaux, pièces mécaniques, BOULETS, CANONS (exit la bombarde...*).
Avec les premiers hauts-fourneaux les bombardes seront partiellement de "fer fondu" et bientôt tous les boulets de fonte de fer : la force de la loi sera celle du canon "L'invention de la poudre fut tout à l'avantage des rois et du peuple"* (D. Blanchet); seul le roi aura les moyens de créer et d'entretenir une artillerie.
La féodalité s'écroule :
Les forteresses pourront alors être puissament démantelées par l'ARTILLERIE des "engeigneors", les seigneurs et leurs mercenaires ne pourront plus guerroyer à leur aise, le légendaire panache des chevaliers va perdre de sa superbe et, en représaille, les canonniers ennemis* capturés seront cruellement massacrés.
De 1346 (Crécy) à 1415 (Azincourt) la lourde cavalerie féodale française était allée de défaites en désastres face aux fantassins et archers anglais. Les succès militaires de Charles V avec Duguesclin n'arrêtent pas les massacres. De tueries en pillages et dévastations, des paysans se révoltent* contre cette incurie et réclament la notion de sol national, cette idée est transmise au Roi en 1429 par "Jehanne la bonne lorraine" laquelle, guidée par l'église souveraine, ouvre la voie du sacre royal des Valois, d'Orléans à Reims.
Par cet élan Charles VII "le Victorieux" crée en 1445, vingt compagnies d'armée de métier, équipées et préparées à une guerre moderne, soutenues par le recrutement de "francs archers". De plus Jean Bureau, Grand Maître de l'Artillerie avec son frère Gaspard, équipe cette armée de l'artillerie la plus moderne du monde, servie par des experts en canons liégeois, allemands puis italiens : les pièces de campagne sur des affûts à roues, plus terrifiantes que meurtrières, complétent les bouches à feu de siège*.
La reprise de Le Mans en 1448 prélude à la libération de la Normandie, enfin le vétéran anglais Talbot, rappelé pour soutenir la Guyenne en 1453 , est défait et tué avec 4000 des siens à Castillon à l'aide de 300 canons*, Bordeaux tombe trois mois après : hormis Calais, les Anglais sont bouter hors de France. Les tours et les cavaliers du nouvel échiquier de Louis XI ont changé de valeur, après l'élimination de la puissance bourguignonne, les places fortes de Châteaubriant, Ancenis puis Fougères* seront réduites rapidement et la résistance bretonne écrasée par Charles VIII/Beaujeu en 1488.